Le quatrième Roi Mage
Les sages de l'Orient apportèrent l'or, l'encens et la myrrhe
pure.
Une vieille légende raconte que lorsqu'ils déposèrent leurs trésors,
l'enfant ne voulut pas sourire. Marie était très honorée par l'encens, qui
brûlait comme elle l'avait vu brûler dans le temple de Jérusalem, et, les yeux
pleins de larmes, elle cacha la myrrhe dans son sein. Mais l'enfant ne tendit
pas ses petites mains vers l'or éclatant ; la fumée fit tousser ses petits
poumons ; il se détourna de la myrrhe et embrassa les larmes dans les yeux de sa
mère.
Les trois saints rois se relevèrent et prirent congé, avec le
sentiment de gens qui n'ont pas été appréciés selon leur mérite. Mais quand la
tête et le cou de leurs dromadaires eurent disparu derrière les montagnes, quand
le dernier tintement de leur harnais eut expiré sur la route de Jérusalem, alors
parut le quatrième roi.
Il apportait de Perse trois perles précieuses. Mais il
arrivait trop tard, les autres rois étaient partis. Il arrivait trop tard… et
les mains vides… il n'avait plus de perles !
Il ouvrit lentement les portes de l'étable sainte où se
trouvaient le Fils de Dieu, la Mère de Dieu et le père nourricier de Dieu. Le
jour tombait, l'étable devenait sombre ; une légère odeur d'encens flottait
encore… Joseph retournait la paille de la crèche pour la nuit, l'Enfant Jésus
était sur les genoux de sa mère. Elle le berçait doucement.
Lentement, en hésitant, le roi de Perse s'avança puis il se
jeta aux pieds de l'Enfant et de sa mère. Lentement, en hésitant, il commença à
parler. " Seigneur, j'avais une offrande pour toi, trois perles précieuses,
grosses comme un œuf de pigeon, trois vraies perles de la Mer Persique. Je ne
les ai plus.
Je suis venu à part des trois autres rois. Ils marchaient
devant moi sur leurs dromadaires ; je suis resté en arrière dans une hôtellerie
sur le bord du chemin. J'eus tort... Quand j'entrais dans la salle des
voyageurs, j'aperçus un vieillard tremblant de fièvre, étendu sur le banc du
poêle. Nul ne savait qui il était. Sa bourse était vide ; il n'avait pas
d'argent pour payer le médecin et les soins qui lui étaient nécessaires.
Seigneur, pardonne-moi, j'ai pris une perle de ma ceinture et l'ai donnée à
l'aubergiste, pour qu'il lui procurât un médecin et lui assurât les soins et,
s'il mourait, une tombe en terre bénie.
Le lendemain je repartis. Je poussais mon âne autant que
possible pour rejoindre les trois autres rois. Soudain j'entendis des cris
venant d'un fourré. Je sautai de ma monture et trouvai des soldats qui s'étaient
emparés d'une jeune femme et s'apprêtaient à lui faire violence. Ils étaient
trop nombreux, je ne pouvais songer à me battre avec eux. Oh ! Seigneur
pardonne-moi encore une fois, je mis la main à la ceinture, pris ma seconde
perle et achetai sa délivrance.
A présent il ne me restait plus qu'une perle,
mais au moins je voulais te l'apporter, Seigneur !
Il était plus de midi. Avant le soir je pouvais être à Bethléem
à tes pieds. Alors je vis une petite ville à laquelle les soldats d'Hérode
avaient mis le feu. Je m'approchai et trouvai les soldats d'Hérode tuant tous
les garçons de deux ans et au-dessous. Près d'une maison en feu, un grand soldat
balançait un petit enfant nu qu'il tenait par une jambe. L'enfant criait et se
débattait. Le soldat disait : " Maintenant, je le lâche et il va tomber dans le
feu. Il fera un bon rôti de cochon. " La mère poussa un cri perçant.
Seigneur,
pardonne-moi ! Je pris ma dernière perle et la donnai au soldat pour qu'il
rendît l'enfant à sa mère. Seigneur, c'est pourquoi me voilà les mains vides.
Pardonne-moi, pardonne. "
Le silence régna dans l'étable quand le roi eut achevé sa
confession. Pendant un instant il resta le front appuyé contre le sol ; enfin il
osa lever les yeux. Joseph avait fini de retourner la paille et s'était
approché. Marie regardait son fils qui était contre son sein. Dormait-il ? Non.
L'Enfant-Jésus ne dormait pas. Lentement, il se tourna vers le roi de Perse. Son
visage rayonnait ; il étendit ses deux petites mains vers les mains vides. Et
l'Enfant-Jésus sourit.
D'après des extraits de "Le quatrième Roi Mage"
Par Joannes Joergensen
Edition du Seuil, 1961
Par Joannes Joergensen
Edition du Seuil, 1961
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