Cinq gars, cinq croyances, le même tour du monde
Ilan Scialom, juif, Samuel Grzybowski, chrétien et Ismaël Medjdoub, musulman.
Publié le mercredi 14 mai 2014
L'un est musulman, l'autre athée, le troisième chrétien... Cinq jeunes de croyances différentes reviennent d'un voyage de dix mois autour du monde, sac au dos. Membres de l'association Coexister, ils sont allés chercher des solutions pour que les religions cohabitent plus sereinement.
98 721 kilomètres parcourus, 7 248 heures de transports, 50 pays visités, 29 langues côtoyées. Cinq jeunes de 21 à 29 ans reviennent tout juste d'un tour du monde de dix mois, un projet baptisé Interfaith Tour. Leur particularité : Victor est athée, Ilan juif, Samuel chrétien, Ismaël musulman et Josselin agnostique (ne sait pas si Dieu existe).
Les traits sont tirés et les souvenirs ne manquent pas. Ce tour du monde ne faisait pas office de vacances. Ils font partie de l'association française Coexister, qui cherche à déconstruire les préjugés sur les croyances, et sont allés à la rencontre d'initiatives interreligieuses pour s'inspirer d'idées pouvant être appliquées en France.
Le moment le plus marquant du voyage ? Après un temps de réflexion, Josselin répond : « Pour moi, c'est notre étape au Burkina Faso. Nous tenions à nous rendre là-bas car le pays se situe juste entre le Mali, le Nigeria et la Côte d'Ivoire, où la religion est source de fortes tensions. Or, le Burkina Faso échappe à ces problèmes. » Ils se sont rendus cinq jours dans le village isolé de Kobadah, au nord, où la pauvreté et la dureté de la vie sont palpables.
« Des moments complètement hors du temps »
« Chrétiens et musulmans y pratiquent sans problème les rites animistes », continue Josselin. Ces rites, en phase avec la nature, précédaient l'arrivée des religions monothéistes... « Ce mélange favorise la paix sociale car il leur offre un socle commun très fort. Ça a été mon coup de coeur humain. On était hébergé chez l'habitant, on a épluché le maïs pendant des heures avec les habitants sous un baobab... Ce sont des moments complètement hors du temps. »
Depuis sa création, voilà cinq ans, Coexister s'est dotée d'un réseau très étendu, ce qui leur a permis d'être soutenus par le ministère des Affaires étrangères. Au fil de leur voyage, les cinq garçons ont notamment rencontré le chirurgien Anand Gokani, arrière-petit-fils de Gandhi.
« En Inde, les forces de l'ordre se retrouvent parfois au milieu de violents affrontements entre musulmans et hindous, explique Victor.Cricket for peace a donc été lancé pour monter des équipes de cricket composées de personnes de religions différentes et de policiers. Anand Gokani promeut cette initiative et bien d'autres dont nous avons pu discuter avec lui à Bombay. »
« J'ai dû faire des concessions »
Les cinq jeunes hommes disent avoir reçu de lui « un véritable cours de philosophie ». Ils ont aussi rencontré le pape François à Rome, Eboo Patel (conseiller de Barack Obama aux questions religieuses) à Washington ou encore le grand imam d'Al-Azhar, au Caire.
Des « claques », comme dit Victor, ils en ont pris d'autres : la tolérance du sultanat d'Oman, la découverte de la religion shinto au Japon, la diversité interreligieuse des États-Unis, la réconciliation des communautés en Bosnie... Les cinq garçons ont passé 135 heures dans les avions du monde entier. Ils ont aussi vu les frontières entre les religions, en Palestine et en Israël notamment, où elles se traduisent par de vrais murs.
Pendant dix mois, ils ont vécu ensemble 24 heures sur 24, organisant les rencontres, montant des vidéos, cherchant des subventions et des hébergements.... Le seul moment d'intimité, c'était la douche. « Sauf au Japon, où on allait dans les bains publics, précise Josselin, étudiant en histoire-sciences politiques. Les moments à soi, on les comptait sur les doigts d'une main. »
« Trouver une mosquée en Amérique du Sud, c'est galère »
Pour Josselin et Victor, agnostique et athée, la question des rites religieux ne se pose pas en voyage. Mais lorsque l'on est pratiquant, changer en permanence de pays n'est pas toujours évident. « J'ai dû faire des concessions, avoue Ismaël, musulman. Trouver une mosquée en Amérique du Sud, c'est galère. À Buenos Aires, ils savent à peine ce que c'est. À l'inverse, il y a des pays où j'ai été très surpris d'en trouver, comme en Pologne, où à Xi'an, en Chine. Prier avec des musulmans chinois, c'est quelque chose ! »
Entre moments de communion, renforcement de leur foi ou de leurs idées et expériences inspirantes, le voyage les a un peu transformés. Ils jugent trop stricte la laïcité pratiquée en France. Cela dit, c'est un des credo de leur association... Mais à peine arrivés à Paris, ils doivent repartir pour un tour de France. Tous les départements de la métropole seront parcourus en deux mois. Après l'Île de France, ils s'attaquent à la Bretagne et seront à Rennes et Saint-Brieuc aujourd'hui, à Saint-Lô et Alençon demain, à Caen jeudi.
Et il ne faut pas croire que les conditions de voyage sont plus confortables : ils traversent la France à cinq dans un camping-car. Ils ont perdu quarante-deux chaussettes autour du monde, combien en sèmeront-ils dans toute la France ?
interfaithtour.com ou 06 29 13 11 05.
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